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Nous y voilà ! la surveillance policière par drône

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La Ligue des droits de l’homme et La Quadrature du Net ont entamé une action en justice pour que la Préfecture de police de Paris "cesse immédiatement de capter des images par drones".

La Ligue des droits de l’homme (LDH) et La Quadrature du Net cherchent à clouer au sol les drones déployés sur territoire pour faire appliquer les mesures de confinement. Les deux associations de défense des libertés ont déposé en ce sens, samedi 2 mai, un référé-liberté devant le tribunal administratif de Paris : une action en justice qui exige que le préfet de police de Paris « cesse immédiatement de capter des images par drones, de les enregistrer, de les transmettre ou de les exploiter ». Elle demande aussi de « détruire toute image déjà captée dans ce contexte, sous astreinte de 1 024 euros par jour de retard ».

Selon les plaignants les essaims de caméras volantes, outre qu’ils portent atteinte au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles, constituent une pratique « empirique » qui s’est installée hors d’un véritable cadre légal.

Pas de contrôles connus

Depuis le 18 mars, la Préfecture de police de Paris fait voler des drones, parfois munis de haut-parleurs pour inciter les populations à rentrer chez elles et guider les équipes au sol afin qu’elles contrôlent, voire verbalisent, ceux qui sont susceptibles de contrevenir à la consigne générale de confinement.

En dehors de Paris, dans de nombreuses autres villes, notamment à Nice ou à Marseille, la police s’en remet là aussi à des engins pilotés à distance. « Visiblement, la Préfecture de police a décidé de faire ce qu’elle veut, et elle n’est pas la seule », considère Maryse Artiguelong, vice-présidente de la LDH. Elle souligne que, contrairement à la vidéosurveillance qui fait l’objet d’une information préalable (des panneaux indiquent la présence de caméra) et est soumise à des commissions de contrôle, un drone peut tout filmer, y compris les zones privées. De même, les dispositifs vidéo haute résolution embarqués sont capables de filmer les visages.

Pour la LDH, rien ne permet de s’assurer que le contenu des cartes mémoires est, comme l’assure la Préfecture de police, supprimé une fois la mission terminée. « Les images captées peuvent techniquement être partagées avec divers services de l’Etat ou autres autorités publiques, qui pourront les exploiter pour un nombre virtuellement infini de finalités, légitimes ou non », argumente le texte du recours déposé par la LDH et La Quadrature du Net, convaincus que « la mobilité des drones rend ces derniers infiniment plus liberticides que des caméras fixes ».

Pratique illégale

« Ces opérations, et c’est grave, se déroulent hors d’un véritable cadre légal ; ce déploiement de drones par la Préfecture de police n’a jamais été autorisé par un acte administratif exprès », s’inquiète Me Arié Alimi, membre du bureau national de la LDH. « Il s’agit d’une pratique illégale qui n’a pas fait l’objet d’un débat et doit être suspendue », affirme-t-il.

Me Gérard Haas, avocat spécialisé dans le droit des nouvelles technologies, estime que ce recours contre la Préfecture de police est fondé. « Ma conviction est qu’elle en fait une utilisation totalement disproportionnée », assure l’avocat, qui dénonce l’émergence d’une « dictature sanitaire ». « Ce que l’on s’interdit pour surveiller des déplacements terrestres, il faudrait donc l’accepter lorsqu’il s’agit d’une surveillance aérienne ? »

Sollicitée par Le Monde, la Préfecture de police de Paris n’a pas donné suite, à l’heure de la publication de cet article. La Ligue des droits de l’homme critique depuis longtemps la manière dont la préfecture de police utilise des drones. Elle avait déjà émis de vives critiques sur la manière dont ceux-ci avaient été déployés lors des manifestations des « gilets jaunes » et du mouvement d’opposition à la réforme des retraites.