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Partie 2 - L’ŒUVRE DE BERNAYS : LE FÉMINISME UTILISÉ À DES FINS MARKETING

 L’INSTITUTIONNALISATION DES RELATIONS PUBLIQUES

Pourquoi les relations publiques ?
Après la Première Guerre mondiale, la machine industrielle dont les capacités ont été
démultipliées doit trouver des marchés afin de continuer à fonctionner (ce sera le même
problème après la Seconde Guerre mondiale). Il faut donc créer des besoins car à l’époque le
citoyen occidental de base consomme en fonction de besoins vitaux, et n’accorde que des
exceptions à la frivolité. Il faut donc exacerber le désir de consommer et rendre les frivolité
obligatoires, incontournables et intimement liées aux gains de liberté apportés par les progrès
sociaux...

Par ailleurs,les entreprises au début du XXe siecle aux États-Unis font face à une situation
difficilement gérable (grèves, conflit sociaux...) elles oscillent entre répressions dures et
punitions par tribunaux interposés, elles font appel à des juristes, à des journalistes sans grand
succès, et la fuidité de son fonctionnement est fortement compromise. Grace au succès de la
commission Creel, quand Bernays monte son bureau et propose ses services, il est pris au
sérieux par les entreprises privées et surtout les trusts.

Dans une époque ou les lois antitrust sont contournées et ou ce que les citoyens américains
appellent alors les « barons voleurs » accumulent des fortunes colossales, la démocratie qui
porte en blason la liberté individuelle et la liberté d’expression se doit d’apparaître en façade
car elle est l’un des fondements de la motivation du travailleur, en Occident.
Bernays crée donc son bureau des relations publiques et invente le métier de conseiller en
relations publiques

l’un de ses premiers clients fut l’« american tobacco corporation ».

Entre les guerres Berneys va littéralement inventer des concepts :

- le petit déjeuner américain « eggs and bacon » en mettant sur pied un comité de médecins
qui vont prôner les valeurs d’un fort apport calorique au lever. Car il faut le savoir, au début
du siècle, les Américains sont plutôt adeptes d’un petit déjeuner frugal, ce qui ne colle pas
avec l’industrie du porc qui croît plus vite que la demande... Or, le comité de médecin ne va
pas seulement prôner un apport calorique important... il va bien spécifier « bacon ».

- Il va persuader les Américains d’acheter des pianos. Encore une fois, il biaise en infiltrant
les milieux d’architectes qui vont influencer leurs clients dans l’adjonction d’une salle de
musique dans les maison.
Et que faire quand il y a une pièce dédiée à la musique dans une maison ? La remplir. Et quel
est l’objet qui va le mieux la remplir tout en donnant du cachet ? Un piano. Encore un succès.

- Il fera de même pour les maisons d’éditions en « forçant » l’insertion des bibliothèques
incrustées aux murs des maisons.

- Le petit déjeuner du président des États-Unis avec des vedettes du show-biz afin de
transformer l’image austère et distante de ce dernier, et ça existe encore aujourd’hui.
Il va par la suite affiner ses méthodes et commencer à se lancer dans des opérations de très
grande envergure.

Voici 4 missions « Bernaysiennes » qui, j’en suis sûr, vont vous laisser pantois.

LE FÉMINISME UTILISÉ À DES FINS MARKETING

Dans les années 20, Bernays est employé à l’année par l’American
tobacco en échange de ne pas travailler pour la concurrence, suite à une première expérience
couronnée de succès.

Il faut dire qu’à cette époque le marché de la cigarette stagne, suite à une progression
fulgurante durant la Première guerre mondiale et dans les premières années d’après-guerre. En
vendant des milliards de cigarettes à l’armée américaine qui les intégrait au paquetage du
soldat, les compagnies de tabac avait franchi une étape décisive, en transformant l’image de la
cigarette qui avant la guerre était dénigrée au profit du cigare ou de la chique jugés plus
« virils ». Au début des année 20, donc, la cigarette est passée de « tabac pour mauviettes » à
« symbole de l’Amérique fraternelle et virile ».

Maintenant les cigaretiers veulent que les femmes fument. Ils confient donc la mission à
Bernays.

Ce dernier analyse la situation, soumet ses observations à un psychiatre de New York qui
confirme ses soupçons : la cigarette constitue pour les femmes un symbole phallique qui
représente le pouvoir de l’homme. Pour faire fumer les femmes il faut d’abord leur faire
conquérir de manière symbolique des positions occupées par la gent masculine. Bernays vient
de trouver ses leaders d’opinion et il orchestre un des grands coups de marketing de l’histoire
en détournant une marche catholique (la procession de Pâques) pour en faire un événement
politique au profit des suffragettes. Une dizaine de jeunes premières, invitées par lui et
soigneusement instruites du plan de bataille, se présentent au-devant de la procession,
exhibent leurs cigarettes, et s’allument devant les photographes des journaux.
Bernays lance
le slogan aux journalistes présents : « elles allument des flambeaux pour la liberté ».




Du véritable petit lait, et d’ailleurs je ne résiste pas à un petit copier-coller d’un commentaire
sur cet événement que j’ai lu sur un blog : « ça coule de source. Les journaux accordent la
première page à la nouvelle. Les conservateurs vendent de la copie grâce à l’aspect
scandaleux. Les progressistes sont charmés. Les féministes exultent, jubilent de l’ampleur du
phénomène médiatique. Toute la société états-unienne est flattée sur la muqueuse par
l’imparable évocation de la sacro-sainte liberté. La femme éprise d’émancipation devra
simplement fumer. Fumer c’est voter ! Tout le monde profite des photos sexy de ces jolies
jeunes femmes. Tous y gagnent ! 

C’est fantastique. Bernays avait compris que la femme de l’après-guerre avait bossé dans les usines pendant que les hommes étaient au front et il lui offrait un symbole phallique digne de l’ampleur de ses revendications, la clope. » Tout est dit.

Et Bernays d’enchaîner dans les années qui suivent en recrutant et créant des associations et

autres collectifs médicaux et en faisant dire aux experts que la santé de la femme, c’est la
minceur... et que le meilleur moyen d’y parvenir, c’est la clope.

Des publicités dans les journaux et les magazines, présentées par des regroupements de
docteurs, de médecins de famille, de dentistes et d’instituts plus ou moins bidons (tous fondés
par Bernays avec des fonds de American Tobacco) proposent ensuite carrément à la femme de
tendre la main vers une cigarette plutôt que vers un bonbon, ce qui est tellement meilleur pour
la santé.

La campagne connaît un tel succès que les grands confiseurs et les producteurs de
sucre attaquent American Tobacco en justice et réclament des dommages et intérêts. C’est un
triomphe, la femme est maigre, elle est libre, elle respire la santé !


(suite prochainement)