La vérité au service de la lumière

Partie 5 -Bernays : LA DOCTRINE, sa justification, et ses contradictions majeures

 

Bernays, tout au long de sa vie, va user d’une doctrine froide et assez cynique doublée d’une
justification idéologique basée sur le long terme, afin de justifier ses agissements.
Il considère sa tâche comme un effort à long terme destiné à l’avènement doucement forcé
(mais à peine, hein ?) d’une démocratie basée sur l’économie et le commerce dirigé par une
élite.

Il pose assez honnêtement et naïvement d’ailleurs, comme postulat, le fait que la masse est
incapable de parvenir à un état de paix collective et de bonheur par elle-même, et que donc
cette masse a besoin d’une élite qui la contrôle et qui la dirige à son insu en ce qui concerne
les décisions importantes.

Pour lui le bon sens commun n’existe pas, et s’il existe, il ne peut porter l’appellation « bon
sens » car il induit un mode de consommation trop lent pour les capacités industrielles et leur
besoin de croissance... Il doit donc être refondu par des élites.


"La manipulation conscient et intelligente des opinions et des habitudes organisées des masses est un élément important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme invisible de la société constituent un gouvernement invisible qui est le vrai pouvoi dans notre société" - Edwar Bernays

Pour lui, la foule n’a pas besoin d’esprit car elle est avant tout gouvernée par sa moelle
épinière irrationnelle, et il ne sert à rien d’élever les foules, puisqu’elles sont plus facilement
contrôlables en jouant sur cette irrationnalité.

Pourtant, fait curieux, Bernays se réclamait d’une certaine éthique. Il faut savoir que cet
homme a aussi joué un rôle fondamental dans le congrès pour l’intégration des hommes de
couleurs... un événement (tout de meme assez isolé au milieu des autres cyniques campagnes
dont il a été le chef d’orchestre) dont il se servira pour justifier sa position de mercenaire au
services de nombreuses causes qui, mises ensemble, constituent notre monde moderne
« libre » à l’occidental.

Car Bernays s’efforce dans ses mémoires de justifier son œuvre. Il n’a jamais été membre de
l’« association des relations publiques américaines » car il jugeait ses membres sans éthique et
il s’offusqua à la nouvelle que Goebbels possédait toutes ses œuvres et se serait largement
inspiré de son travail pour ériger la propagande qui mena les nazis au pouvoir dans
l’Allemagne des années 30.

En effet, Bernays voulait que ses méthodes soient présentées en toute « honnêteté » afin

d’ouvrir une route à 2 voies à la communication publique : une voie de contrôle et une voix de
réaction du peuple à ce contrôle. C’est tout du moins ce qu’il essaie de faire passer lors
d’interviews ou dans ces écrits, dans de rares moments. Hélas ces quelques moments
d’ouverture sont assez rapidement recouverts par le volume d’écrits et d’actes professionnels
qui vont à l’encontre de ce pseudo-principe d’interactivité.

Bernays fut un véritable champion en matière de double language et il eut enormément de mal
à se confronter à ses contradictions, totalement omnubilé par la vision malsaine de la
condition humaine induite par son oncle.

On est a mille lieux de ce que Kant par exemple réclamait en disait qu’il faut un espace public
de libre discussion où les gens puissent débattre et échanger des idées, se placer du point de
vue de la raison et de l’universel, justifier devant les autres les conclusions et affirmations
auxquelles ils parviennent et rendre disponible les faits qui nourrissent une conclusion.

Pourquoi ? parce qu’on est dans l’idée d’une minorité intelligente au service de ceux qui ont
les moyens de s’adresser à elle pour obtenir de la foule un consentement à des conclusions
determinées à l’avance. Tous les comités, agences de relations publiques et campagnes
instiguées par Bernays offriront une illusion de débat, où tous les outils nécessaires à la
perversion de ce débat sont prêts à intervenir à tout moment.

Le coup fomenté au Guatemala et justifié par la campagne médiatique qu’il avait orchestré
aurait dû lui faire ouvrir les yeux...

Pourtant, avec le recul, il faut constater qu’il ne le fit pas et que ces justifications teintées de
naïveté ne tiennent pas une analyse approfondie, surtout vu le caractère opaque de ses
missions durant la Seconde Guerre mondiale, et ses liens avec des sbires tels que les frères
Dulles.

La « machine » Bernays s’est emballée dès ses débuts et ne cessera jamais ses méfaits au
profit de la croissance économique non pas au service de peuples, mais bien dans son
asservissement à la consommation.

La deuxième voie proposée par Bernays, celle de l’inter-réaction des hommes fut étouffée par
le volume des campagnes de spins.

Bernays va tellement piocher dans les théories de son oncle qu’il va finalement croire luimême que l’homme n’est dirigé que par des forces irrationnelles.

Il va mettre en pratique des méthodes qui vont à l’encontre même de ce que le siècle des
Lumières avait exigé pour sublimer le bon sens humain.

L’humanité moderne va tellement être martelée par ce cynisme qu’elle va en devenir cynique
elle-même et épouser l’idée selon laquelle l’homme est un être tiraillé par sa bassesse et piloté
par ses instincts les plus enfouis.

Dès le début du siècle, il est évident que l
a synergie entre les médias de masse et les progrès
de la psychologie scientifique vont assurer un pouvoir irrésistible aux minorités « éclairées ».

Bernays fut l’un des architectes majeurs de cette synergie qui sévira dans les démocraties
comme dans les systèmes totalitaires et qui, n’ayons pas peur des mots, sévit encore plus que
jamais, n’en déplaise à ceux qui ironisent sur les "théoristes de la conspiration" alors même
qu’en France nous évoluons dans une inculture totale en ce qui concerne les relations
publiques, les spins doctors et les think tanks, contrairement aux pays anglo-saxons.
Sur ce, je vous laisse avec une citation de notre homme, à titre de fin d’article et d’ouverture
de débat.

"Notre démocratie ayant pour vocation de tracer la voie, elle doit être pilotée par la minorité
intelligente qui sait enrégimenter les masses pour mieux les guider.
"


Sources :
Livre : Stuart Ewen : a social history of spin.
Livre : Edward Bernays : propaganda édité en 1928 (téléchargeable gratuitement sur le net).
Radio : émission "là-bas si j’y suis" France Inter diffusion 26 novembre 2007
Net :
http://en.wikipedia.org/wiki/Fluoride
Net : http://fr.wikipedia.org/wiki/Edward...